Interview du Dr Laurent Fiorina, rythmologue à l’ICPS et spécialiste de l’analyse digitalisée des tracés de rythme cardiaque puisqu’il travaille également pour la société Cardiologs, start up française qui a développé une solution utilisant l’intelligence artificielle pour faciliter l’analyse des Holter rythmiques

Comment marche un Holter rythmique ?

Notre cœur fonctionne avec un système électrique naturel qui gère ses battements. Ces signaux sont enregistrables sur la peau à l’aide d’électrodes reliées au Holter qui enregistre des dizaines de milliers de battements chaque jour. C’est ainsi que l’on dépiste d’éventuelles bizarreries du rythme : cœur trop rapide ou trop lent, parfois palpitant… A ne pas confondre avec le Holter tensionnel (ou MAPA) qui surveille la tension artérielle, sans enregister le rythme

A qui propose-t-on un Holter ?

Le Holter est un des examens complémentaires les plus utilisé en cardiologie depuis les années 70. Qu’il s’agisse de capturer des accélérations ou des ralentissements du rythme en présence de symptômes tels que de palpitations ou des malaises à type de syncope ou de dépister des arythmies chez des patients souffrant d’une maladie cardiaque (infarctus, insuffisance cardiaque, hypertension notamment) ou ayant présenté un accident vasculaire cérébral inexpliqué. De fait, la fibrillation atriale est responsable d’un AVC sur 5 environ, mais elle parfois très insidieuse, brève, intermittente et donc difficile à capturer sur un tracé

Combien de temps dure l’enregistrement ?

Le minimum réglementaire est de 24h, mais on peut aller jusqu’à 10-15 jours avec des Holters économes en énergie et l’on parle alors de Holter de longue durée (plus de 7 jours). La limite à la durée de l’enregistrement est autant un problème de batterie pour le boitier que de tolérance de la peau aux électrodes autocollantes. Sur le fond, la durée du Holter dépend de l’anomalie suspectée et de la fréquence des troubles ressentis, donc de la prescription médicale délivrée au patient. D’un côté, 24h sont suffisantes pour évaluer la quantité d’extrasystoles quand elles sont quotidiennes. De l’autre, il est recommandé de poursuivre le Holter jusqu’à 2 à 3 semaines pour dépister une fibrillation atriale après un accident vasculaire cérébral inexpliqué.

Quelles sont les particularités du service Holter à l’Institut Cardiovasculaire Paris Sud ?

Nous essayons de produire le meilleur service à nos patients : les boitiers sont les plus petits et les plus légers du marché. Ils disposent d’une longue autonomie qui facilite des enregistrements de plus longue durée, augmentant d’autant les chances de dépister une arythmie. Nous avons également fait des choix écoresponsables, nos Holters fonctionnant sans piles mais avec une batterie rechargeable via USB. Enfin, tous les Holters analysés à l’ICPS bénéficient d’un prétraitement par l’intelligence artificielle de la plateforme Cardiologs. Notre institut a été pionner en la matière, l’un des médecins de l’équipe, le Dr Fiorina, ayant validé des milliers de tracés d’arythmie pour rendre l’IA performante.

Norman Holter, l’inventeur du concept, en 1947 avec le premier Holter transportable, à gauche. Au milieu, les boitiers Holter actuellement utilisés à l’Institut Cardiovasculaire Paris Sud. A droite, le Dr Fiorina analysant un Holter avec l’aide de l’intelligence artificielle de la solution Cardiologs

Que dois-je faire pendant que je porte ce Holter ?

Vous devez mener une vie normale afin que l’analyse soit la plus représentative de la façon avec laquelle votre rythme cardiaque s’adapte. Oubliez l’appareil… marchez, bougez, courez, dormez comme vous voulez

Il y a 2 choses à éviter cependant !

Primo, le Holter n’aime pas l’eau : merci de le retirer le temps de la douche en déclipsant les câbles.

Secundo, les câbles sont très fragiles ! Ne tirez pas dessus, déclipsez le boitier et les deux boutons colorés des trois électrodes autocollantes en respectant le code couleur : le boitier à droite, le vert en bas à gauche et le jaune en haut à gauche

Comment savoir si mon Holter enregistre bien ?

Une petite lumière verte clignote très lentement sur le boitier, du côté de votre épaule droite. Elle est à peine visible. Dans tous les cas, aucun besoin d’appuyer sur les boutons du Holter

Cable débranché, électrodes décollées : que faire ?

Rebranchez, recollez… l’appareil aura détecté l’interruption du signal, l’enregistrement reprendra tout seul. L’idéal est de ne pas décoller les électrodes, notamment pour un enregistrement de plusieurs jours, pour éviter d’abimer la peau avec une répétition de collages et décollages d’électrode. Mais en cas de démangeaisons gênantes, il peut devenir logique de déplacer l’électrode en zone de peau saine

A qui dois-je signaler ce que j’ai ressenti pendant l’examen ?

Ces informations sont à mettre en perspective avec le résultat du Holter, idéalement en consultation avec le médecin ayant prescrit l’examen. Dans tous les cas, ce Holter ne constitue pas une solution d’urgence

Mais que voit le cardiologue quand il analyse un Holter ?

L’analyse est informatisée depuis longtemps avec l’aide depuis quelques années de l’intelligence artificielle pour faciliter le travail, optionnelle mais systématique à l’ICPS depuis 2017. Chaque battement cardiaque est catégorisé par l’intelligence artificielle : fréquence maximale, minimale, battements en trop (extrasystoles) ou manquants (pauses), accélérations, tachycardie, arythmies… que le cardiologue n’a ensuite qu’à valider pour aboutir au diagnostic le plus précis.

Comment savoir si mon Holter est normal ?

Le compte rendu d’un Holter est technique, comme celui d’une prise de sang. Il est à commenter avec le médecin prescripteur du Holter. L’équipe médicale chargée de l’analyse du Holter doit s’organiser pour vous orienter vers une consultation rapide avec un de vos praticiens référents si le résultat du Holter le nécessitait

Que faire si le Holter n’est pas probant ?

C’est tout le problème de la technique du Holter : il n’est pas toujours là au bon moment pour capturer une anomalie du rythme en flagrant délit. Et l’on ne peut pas garder des semaines des électrodes autocollantes non plus. Les solutions existent mais dépendent de la question posée et de la prescription établie par le médecin référent : répéter des Holters dans le temps ou au contraire passer à un Holter de longue durée, implanter un Holter sous cutané quand les symptômes ne surviennent que quelques fois par an, en sachant que les objets connectés, capables d’enregistrer des tracés très précis et accessibles au grand public, sont de plus en plus utilisés et prescrits, bien qu’ils restent non pris en charge par la sécurité sociale et qu’ils ne soient pas remboursés par les mutuelles.

 

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