Le défibrillateur cardiaque

Les arythmies des ventricules sont des urgences vitales : la tachycardie ventriculaire, moins rapide, et la fibrillation ventriculaire, activité très rapide, désorganisée et inefficace des cellules cardiaques, aboutissant rapidement à l’arrêt cardiaque et à la mort subite. De la rapidité de la défibrillation dépend l’issue de ces arythmies, c’est-à-dire la survie et l’importance des séquelles, surtout neurologiques.

Les avancées récentes dans ce domaine sont l’apparition de défibrillateurs implantables, sujet de cet article, et des défibrillateurs semi-automatiques, apparus dans les années 90 et disposés dans les lieux publics et utilisables par tous les citoyens en France depuis 2007. L’objectif de ces appareils est de traiter en urgence un arrêt cardiaque dû à une arythmie ventriculaire, en réduisant le délai entre le début et la fin de l’arythmie.

Le premier défibrillateur cardiaque implantable a été mis au point en 1970. Les premières publications montrant sa faisabilité datent de 1980, et la première étude démontrant son efficacité dans la prévention de la mort subite, de 1996.

Le boitier

Comme pour le stimulateur cardiaque, le boîtier se compose d’une coque en titane contenant une batterie et un microcircuit avec un logiciel, et d’un connecteur. Il comprend également un condensateur qui permet l’accumulation de la charge électrique nécessaire au choc. Sa taille en est un peu augmentée par rapport au pacemaker.

Un défibrillateur ayant aussi toutes les fonctions d’un stimulateur, il peut être simple, double ou triple chambre :

–          une sonde de défibrillation dans le ventricule droit, dans sa plus simple expression

–          une deuxième pour l’oreillette droite

–          une troisième sonde destinée au ventricule gauche, par un positionnement dans le réseau veineux coronaire : il s’agit alors d’un défibrillateur resynchronisateur

Les sondes

Le boitier est relié au cœur par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sondes. Ces sondes sont des conducteurs électriques, comme pour les stimulateurs.

L’une d’elle, placée dans le ventricule droit, sert également à conduire l’énergie du choc : c’est la sonde de défibrillation. Elle est un peu différente des sondes de stimulation par la présence sur son corps d’une ou deux zones métalliques. Ce sont les coïls de défibrillation, permettant le contact électrique dans le ventricule pour l’un, toujours présent, et un contact extracardiaque dans la veine cave supérieure pour l’autre, accessoire.

Pourquoi pose-t-on un défibrillateur cardiaque implantable – comment ça marche ?

L’appareil surveille en permanence le rythme cardiaque, auquel il est relié par la(es) sonde(s). En plus des fonctions de stimulation qui sont assurées comme pour un stimulateur, il est réglé pour intervenir si la fréquence cardiaque dépasse un certain niveau (par exemple : 200/min).

Le diagnostic

Lorsqu’une tachycardie survient, il en analyse certaines caractéristiques comme la différence entre fréquence ventriculaire et atriale, la brutalité du démarrage, la régularité du rythme, la forme des signaux électriques, etc. afin de déterminer au plus juste s’il s’agit ou non d’une arythmie ventriculaire.  Cette phase diagnostique dure quelques secondes.

Le traitement

Une fois le diagnostic établi, deux traitements différents sont possibles et choisis de la façon la plus adaptée :

–          la stimulation anti-tachycardie : si l’arythmie est relativement stable et pas trop rapide (il s’agit d’une tachycardie ventriculaire), l’appareil va accélérer la fréquence des ventricules pendant quelques battements dans le but de modifier les activations électriques et arrêter l’emballement ; ce traitement, souvent efficace, présente l’intérêt d’être totalement imperceptible

–          le choc électrique ou cardioversion : une fibrillation ventriculaire, trop désorganisée et rapide, n’a aucune chance d’être arrêtée simplement par stimulation ; l’appareil charge alors les condensateurs pour l’énergie programmée, ce qui prend quelques secondes ; il délivre en suite le choc après avoir vérifié que l’arythmie est toujours présente.

Ces traitements se combinent, avec notamment l’intervention de la cardioversion en cas d’échec de la stimulation anti-tachycardie.

Quand faire l’intervention ?

Un défibrillateur est un traitement préventif. Toute la difficulté réside en déterminer le risque d’une personne à présenter un jour de telles arythmies potentiellement mortelles.

Aujourd’hui, les défibrillateurs sont proposés de façon formelle à :

–          tout patient ayant déjà présenté une mort subite récupérée, liée à une telle arythmie et sans cause curable

–          tout patient présentant une « fatigue » du ventricule gauche avec fraction d’éjection abaissée (volume éjecté par le ventricule, normalement entre 60 et 70 % du volume total) en dessous de 35-30 %, dont le risque d’arythmie ventriculaire est alors lié aux altérations des fibres de ce ventricule, quelles qu’en soient les causes (par exemple une séquelle d’infarctus)

–          tout patient présentant une maladie génétique à risque (voir chapitres correspondants).

L’intervention en pratique

Elle est très semblable à la pose d’un stimulateur cardiaque.

L’hospitalisation

Le séjour hospitalier pour l’intervention dure généralement entre 2 et 4 jours.

Certaines équipes réalisent l’intervention lors d’une hospitalisation ambulatoire (USA).

L’anesthésie, la douleur

La douleur est en principe suffisamment légère pour que l’opération soit réalisée sous anesthésie locale et légère sédation. Une anesthésie générale peut être envisagée en fonction du contexte de chaque patient. Dans certains cas ou pour certaines équipes, un test de défibrillation est réalisé, ce qui impose une anesthésie générale à la fin de l’intervention, ou alors pendant toute sa durée.

L’abord vasculaire, l’accès au cœur

En tous points semblables à celle pour un stimulateur (voir ce chapitre), l’intervention demande une incision un peu plus large.

Durée de l’intervention

Variable entre les patients en fonction de données anatomiques, l’intervention peut être rapide, de l’ordre de 30 minutes, mais aussi atteindre plus rarement 1 à 2 heures.

Dans le cas des défibrillateurs triples pour resynchronisation, cette durée peut être de 30 à 45 minutes dans les cas simples, mais aussi atteindre jusqu’à parfois 3 heures.

Les suites postopératoires

Surveillance

La sortie de l’hôpital peut généralement avoir lieu le lendemain de la procédure, après un électrocardiogramme, une vérification de la cicatrice et une radiographie thoracique montrant la position des sondes. Le bon fonctionnement est également vérifié par communication télémétrique avec le défibrillateur, au lit du patient.

Les risques de complication

Le taux de complications est faible, de l’ordre de moins de 5 %. Ces complications sont d’autant plus rares qu’elles sont graves. Les plus fréquentes sont de gestion simple, telles que :

–          le pneumothorax : décollement du poumon lors de la ponction sous-clavière, qui nécessite parfois une évacuation d’air jusqu’au retour du poumon à la paroi thoracique

–          l’hématome de loge : poche de sang par saignement interne, souvent très limité et simplement surveillé jusqu’à résorption

–          le déplacement de l’une des sondes dans les premiers jours, nécessitant une reprise pour repositionnement

–          une infection précoce du site opératoire, qui oblige au retrait de tout le matériel pour une réimplantation après quelques jours d’antibiotiques

Très exceptionnellement, des complications vasculaires graves telles qu’un hématome thoracique (pleural ou médiastinal) ou une tamponnade peuvent survenir.

Quels résultats ?

Il s’agit d’un traitement à certains égards révolutionnaire, permettant de sauver bon nombre de vies chez des patients exposés à un risque dramatique.

Il faut cependant en connaitre les limites :

–          un défibrillateur n’empêche pas le décès d’un patient pour d’autres causes cardiaques dans le cadre notamment de maladies avancées du cœur, souvent sous-jacentes à ce type de traitement

–          parfois même des arythmies se répétant en raison de l’état grave du patient, peuvent avoir raison du défibrillateur et de ses tentatives de défibriller

–          la survenue d’un choc chez une personne consciente est douloureuse ; elle peut se répéter dans certaines circonstances et constituer un réel traumatisme sur lequel il faut pouvoir avancer par la suite (voir plus loin)

Après l’implantation

Les premiers jours

Juste après l’implantation du pacemaker, il est important de surveiller la cicatrice et d’informer son médecin en cas de rougeur, de gonflement ou de suintement.

Durant les premières 24 heures, tout mouvement brusque de l’épaule est à éviter, mais il est préférable de ne pas non plus raidir son épaule afin d’éviter une ankylose. Des mouvements doux pour reprendre la mobilité sont donc recommandés.

Pendant le premier mois, il faut éviter le port d’objets lourds et l’activité physique intense.

Il est en dehors de cela tout à fait possible de reprendre rapidement une vie normale.

Le suivi

Après la pose, un carnet de porteur de défibrillateur est remis, indiquant des informations sur le dispositif implanté. Il doit être conservé en permanence sur soi.

Un suivi spécialisé est instauré pour vérifier le bon fonctionnement de l’appareil, recueillir ses mémoires et surveiller l’usure de la batterie. Ce suivi comporte des contrôles télémétriques réguliers (par l’ordinateur dédié au défibrillateur) généralement dans le centre où l‘appareil a été implanté. Un premier contrôle est effectué 4 à 8 semaines après la pose. Ensuite, les consultations sont prévues tous les 6 mois au minimum.

Le jour du changement

L’avancement de l’usure de la batterie est surveillé de près lors des contrôles réguliers. Avant l’épuisement de la batterie, des indices d’usure sont observés et le changement est programmé autant que possible sans urgence. Il est donc important de ne pas négliger le suivi.

L’intervention consiste généralement en une incision en regard du boitier, qui est retiré et remplacé par un neuf. Parfois, des gestes sur les sondes sont nécessaires si celles-ci posaient des problèmes de fonctionnement.

La vie avec le défibrillateur

Autant que possible et comme pour un stimulateur, l’appareil doit être oublié, sortir de l’esprit du patient. Il ne se manifeste physiquement, par le choc électrique, seule action perceptible, que chez environ 15 % des patients.

La survenue d’un choc peut cependant être douloureuse et traumatisante, surtout si celui-ci a été répété.

Dans beaucoup de cas, un choc salvateur n’est pas ressenti car le patient a perdu connaissance avant sa survenue. Mais dans certains cas, la conscience peut encore être présente, voire parfaitement claire. Il y a notamment un risque de choc inapproprié, c’est-à-dire, de traitement inadapté (risque d’environ 5 %).

Ces chocs inappropriés peuvent survenir soit sur une tachycardie autre que ventriculaire et donc  Quelles sont les précautions à prendre ?

A la maison

–          Le téléphone : qu’il soit  filaire ou sans fil domestique, il ne pose aucun problème. Pour les portables cellulaires, une possible interférence des ondes est prise en compte et l’on recommande une utilisation à l’oreille opposée au côté du stimulateur ; le port du téléphone ne doit pas se faire non plus dans une poche proche du dispositif.

–          A la cuisine : le four à micro-ondes, les plaques de cuisson électriques ou les robots de cuisine ne posent aucun problème. Seules les plaques de cuisson à induction génèrent un faible champ magnétique, pour lequel il est recommandé de garder une certaine distance ; leur utilisation, pour les mettre en marche par exemple, reste possible.

–          Pour le bricolage : les perceuses ou autres scies électriques sont sans danger ; la soudure à l’arc créant un champ électromagnétique, elle est en théorie contre-indiquée, mais peut s’envisager sous réserve de certaines précautions.

Les magasins, les voyages

–          Les portiques antivol des magasins ou des bibliothèques peuvent être traversés sans problème. Il est toutefois recommandé de ne pas s’y arrêter.

–          Les voyages ne sont bien évidemment pas contre-indiqués. Pour l’avion, les portiques d’aéroport pourraient théoriquement être traversés, mais sont interdits pour des raisons de responsabilités et de principe de précaution. En revanche, les détecteurs manuels plus puissants sont à éviter, ce qui justifie de bien avoir sur soi sa carte de porteur de défibrillateur.

–          Le défibrillateur ne contre indique pas la conduite automobile ni le port de la ceinture de sécurité.

Le sport

–          Le défibrillateur ne limite pas les activités sportives en dehors d’éviter la pratique intensive du golf ; pour les sports de raquette, on préférera si possible une implantation du côté opposé à la main tenant la raquette.

–          Il faut éviter de se suspendre (par exemple à une barre) en extension des bras car cela peut étirer les sondes.

–          La chasse au fusil impose une implantation du côté opposé à l’épaule qui arme, de façon à éviter la force de recul du fusil sur le boitier.

Au travail

–          Certains postes à proximité de moteurs à électro-aimants par exemple, doivent faire l’objet de mesures de champ magnétique par des entreprises spécialisées.

–          Dans le cas de conduite de véhicules professionnels et de poste à risque (travail en hauteur, manipulation de toxiques et polluants…) une révision de l’aptitude est généralement demandée par la médecine du travail

–          Il faut noter que d’une façon générale, les risques applicables au port de l’appareil (subir un choc surtout), le sont aussi à la maladie sous-jacente elle-même, avec le risque de malaise et mort subite inhérent.

A l’hôpital

Il est là aussi nécessaire d’avoir sa carte de défibrillateur sur soi et de la montrer aux professionnels de santé.

–          La chirurgie : l’utilisation d’un bistouri électrique dans la plupart des opérations impose certaines précautions telles que des réglages préopératoires du stimulateur et une limitation dans l’intensité de ce bistouri ; un contrôle postopératoire est également préconisé.

–          L’imagerie médicale : les radiographies classiques, le scanner (tomodensitométrie) ne posent aucun problème ; en revanche, L’IRM (imagerie par résonnance magnétique) générant un très puissant champ magnétique, ne doit être réalisée que dans des centres spécialisés en accord entre cardiologues et radiologues, avec des précautions très précises.

La radiothérapie : elle est potentiellement nocive pour le dispositif, mais avec un faible taux d’accidents ; des contrôles réguliers et des réglages spécifiques sont réalisés pendant les périodes de cure.