Le terme d’ablation est imparfait pour exprimer son sens dans ce contexte, mais il a été adopté faute de mot plus explicite. Il n’est pas effectué de réelle ablation, ou retrait d’une partie du cœur, aussi petite soit-elle. Les troubles du rythme sont traités dans une zone stratégique par la création d’une lésion, d’une cicatrice qui les arrête et les empêche de réapparaître.

Ces lésions sont sans conséquence pour le fonctionnement normal du cœur. En effet, les zones ciblées sont soit déjà malades, soit dénuées de rôle particulier pour le fonctionnement normal du cœur.

A chaque trouble du rythme correspond une approche, une zone et un type de lésion différents.

La technique

Anciennement, ces lésions étaient réalisées par voie chirurgicale lors d’une vraie opération cardiaque avec ouverture du thorax. L’outil permettant alors de « barrer la route » aux troubles du rythme était le bistouri du chirurgien, qui effectuait une incision puis une suture. Cela créait une cicatrice par laquelle l’activation électrique cardiaque ne passait plus.

La possibilité d’effectuer cette lésion par voie percutanée et grâce à des cathéters a été découverte dans les années 80. Dès lors, l’outil utilisé a été de mieux en mieux maitrisé avec le développement de diverses sources d’énergie.

Les sources d’énergie

La radiofréquence

La plus répandue, la radiofréquence est un courant électrique d’intensité parfaitement maitrisée et réglable. Son ancêtre est la fulguration, qui provoquait une décharge électrique au point de contact dont l’effet était moins précis et contrôlé. La radiofréquence crée au contact du cathéter une brûlure superficielle mais qui peut traverser le tissu cardiaque en profondeur. Des applications d’environ 40 à 60 secondes sont réalisées pour obtenir une lésion efficace, avec une intensité adaptée aux différentes zones ciblées. Elle est utilisable pour tous les types de troubles du rythme.

La cryothérapie

Plus rare mais utilisée en routine dans de nombreux centres, la cryothérapie provoque la lésion par le refroidissement du tissu à très basse température. Elle est indolore et présente l’intérêt d’une lésion initialement réversible à température moyennement abaissée (- 30 °C). Une évaluation précise et sans risque du résultat peut alors être faite avant d’effectuer un traitement définitif.

Elle est en revanche moins efficace, engendrant plus de récidives que la radiofréquence. La durée des applications doit être beaucoup plus longue pour obtenir un résultat.

La cryothérapie est généralement réservée à certaines indications, dans lesquelles  il est nécessaire de contrôler précisément l’issue d’une application avant qu’elle soit définitive. Elle est également utilisée dans le domaine de la fibrillation atriale, par le biais de ballons gonflés à l’entrée des veines pulmonaires.

Autres sources

D’autres énergies existent, surtout à l’état de développement, comme les ultrasons ou le LASER.

L’intervention en pratique

L’accès au cœur / Les abords vasculaires

Il n’y a pas besoin d’incision, les cathéters étant manipulés à travers des désilets (voir lexique) qui entrent dans les vaisseaux sanguins grâce à une aiguille, de la même manière qu’une perfusion ou une prise de sang.

Le cœur droit :

Les cavités droites du cœur sont d’accès très simple et direct par les veines systémiques, route de retour du sang vers le cœur après avoir oxygéné les organes. La veine fémorale, au pli de l’aine, est utilisée dans l’immense majorité des cas. Plus rarement on utilise des veines du haut du corps, telles que la sous-clavière (à l’épaule) ou la jugulaire (au cou).

Le cœur gauche :

Pour accéder aux cavités gauches il faut :

–          soit emprunter un chemin rétrograde par les artères (artère fémorale au pli de l’aine, puis remontée par l’aorte) qui fait arriver dans le ventricule gauche ; l‘accès à l’oreillette gauche est alors inconfortable ; cet abord est réservé aux traitements de zones dans le ventricule gauche ou à la jonction entre oreillette et ventricule gauches

–          soit par voie veineuse, en arrivant dans l’oreillette droite et en effectuant une ponction transseptale (voir figure) à travers la cloison située entre les deux oreillettes ; cela donne un trajet direct entre l’entrée cutanée et les cavités gauches, que ce soit l’oreillette ou le ventricule.

 

Le déroulement de l’intervention

Pratiquées en routine depuis plus de vingt ans, les interventions pour ablation des troubles du rythme sont désormais très bien maitrisées.

L’anesthésie – La douleur

Dans une grande majorité des cas elles sont réalisées sous anesthésie locale (à l’endroit où est réalisée la ponction pour passer les cathéters). Les applications de courant pouvant être douloureuses à certains endroits du cœur, des médicaments antalgiques et des décontractants sont administrés par voie générale (par une perfusion). On a également recours dans certains cas à une sédation, voire une anesthésie générale, en fonction de la durée de l’intervention, de la technique nécessaire.

La durée

La durée d’une intervention est très variable en fonction des troubles à traiter. Elle est peu prévisible dans le cadre d’une même pathologie, pouvant durer entre 30 minutes et plusieurs heures, en fonction de la quantité de zones à ablater ou de la difficulté à localiser et trouver le contact précis avec une zone de petite taille par exemple.

Le séjour à l’hôpital

La plupart des interventions peuvent être réalisées lors d’une courte hospitalisation de deux nuits.

Les résultats

Efficacité

L’ablation obtient d’excellents résultats pour l’ensemble des troubles du rythme du cœur, avec généralement plus de 90 % de succès lors d’une seule intervention. En fonction de la complexité de la maladie, des résultats moins bons sont possibles, appelant parfois à des réinterventions.

Complications

Dépendant des techniques d’abord et des zones à traiter, l’immense majorité des complications sont bénignes et facilement soignées (hématome sous la peau essentiellement).

Néanmoins, le principe de l’ablation étant la destruction de tissu, de rares complications graves accidentelles sont liées  à la proximité des zones à traiter avec des structures importantes du cœur. Elles sont détaillées dans chaque chapitre spécifique de ce site. Tout le soin est pris par le rythmologue pour adapter son geste à ces risques.

Et après…

Dans la grande majorité des cas, les suites opératoires et la convalescence sont légères. Les activités physiques, le travail, peuvent être repris en peu de jours. Chez la majorité des patients, il n’y a pas de ressenti particulier. La fatigue, des sensations de palpitations ou de gênes très modérées dans la poitrine peuvent arriver. Elles correspondent à des réactions normales et bénignes de l’organisme au traitement.

Une consultation auprès du cardiologue traitant ou parfois du rythmologue est généralement préconisée après un mois, pour faire le point sur le résultat et effectuer un électrocardiogramme.

Dans certaines pathologies, l’ablation représente un traitement unique et définitif qui débarrasse le patient pour toujours de son trouble. Dans d’autres cas, une maladie cardiaque ou une maladie évolutive du rythme, demandent un suivi et peuvent amener à de nouvelles interventions dans la vie du patient.