La tachycardie jonctionnelle (TJ) est un emballement du cœur en provenance de la zone de jonction entre oreillettes et ventricules. En France, de nombreux médecins et patients parlent de maladie de syndrome de Bouveret, synonyme de tachycardie jonctionnelle.

Les symptômes caractéristiques sont des accélérations intempestives régulières du rythme cardiaque à des fréquences souvent très élevées, au-dessus de 180 par minute, démarrant et s’arrêtant d’un seul coup.

Que traite-t-on ?

Il existe deux grans mécanismes de TJ, qui partagent les mêmes symptômes mais qui ne correspondent pas aux mêmes cibles lors de l’ablation, même si le taux de succès est dans les deux cas supérieurs à 95%. Il est important d’en comprendre les différences car il en découle des spécificités, notamment en termes de risques, qu’il s’agisse de ceux de la tachycardie ou de ceux de l’ablation.

TJ par réentrée intranodale

Le premier mécanisme est la tachycardie « nodale » ou « intra-nodale », responsable des deux tiers des TJ, bénigne voire banale, qui démarrent à l’adolescence ou chez l’adulte jeune.

Le circuit de la tachycardie se fait au sein même des tissus de conduction électrique du cœur, par une sorte de boucle entre la conduction normale (ou voie rapide du nœud atrio-ventriculaire), et une partie de tissu qui serait un peu différente, appelée la voie lente, toujours à proximité des voies de conduction normales, expliquant que l’on parle autant du risque d’implanter un stimulateur cardiaque (même si cela arrive très rarement, disons moins de 0.5 fois sur 100). Disons qu’au lieu d’avoir un seul fil ou un seul passage électrique entre les oreillettes et les ventricules (cette structure s’appelle le nœud atrio-ventriculaire), il en existe deux, capables de produire un court-circuit dans un espace très limité, le circuit tournant dans les 2 ou 3 cm autour du nœud atrio-ventriculaire. Ce n’est pas à proprement parler une maladie ou une anomalie de fabrication mais plutot une variante de la conduction électrique classique entre les oreillettes et les ventriculaire qui dans les cas extrêmes abouti à des TJ fréquentes. L’ablation, par radiofréquence ou cryoablation nécessite de bloquer la conduction par la voie lente, généralement située à 15 mm des voies de conduction normales, intervention routinière mais qui nécessite de la précision et de l’expérience.

TJ sur voie accessoire (ou rythme réciproque)

L’autre mécanisme emprunte une voie accessoire qui est responsable de 30% des TJ. Cette voie est aussi appelée faisceau de Kent. C’est une connexion électrique supplémentaire et anormale entre oreillettes et ventricules présente dès la conception du fœtus même si elle n’est pas génétiquement déterminée ou transmissible. Une tachycardie peut survenir en court-circuitant le rythme normal par une boucle entre la voie accessoire et la voie de conduction normale (noeud atrio-ventriculaire et faisceau de His).

Parfois, cette voie accessoire donne un aspect très particulier à l’électrocardiogramme en rythme normal, parce que l’activation électrique des ventricules se fait à la fois par la voie normale et par la voie accessoire. On parle alors de syndrome de Wolff Parkinson White qui peut donner des TJ bénignes mais gênantes tout comme des arythmies très rapides, mal tolérées et potentiellement mortelles (risque annuel estimé à 1%) et qui sont abordées dans un autre article.

Pourquoi faire une ablation ?

Considérée dans la plupart des cas comme bénigne, les TJ peuvent néanmoins générer des symptômes gênants. La fréquence très élevée des battements peut notamment entraîner des malaises et, dans des circonstances particulières (sports de l’extrême, métiers à risque…), créer de sérieux inconvénients.

Actuellement, les recommandations professionnelles sont de proposer l’ablation en cas de TJ récidivantes ou mal tolérées plutôt que de prescrire un traitement médicamenteux quotidien, rarement complétement efficace et parfois responsables d’effets secondaires, principalement un bridage de la capacité d’effort.

L’ablation est le seul traitement curatif d’une TJ.

Quand faire l’ablation ?

Une ablation est proposée si les crises sont pénibles pour le patient, soit par leur répétition, soit par leur durée ou les symptômes gênants qu’elles entraînent, soit pour des raisons de mode de vie comme par exemple les métiers à risque. Cette décision est très personnelle, l’ablation n’étant jamais urgente ou obligatoire, les TJ posant un problème de confort plus qu’un problème de sécurité.

L’intervention en pratique

L’hospitalisation

Le séjour hospitalier pour l’intervention est très bref. Il se fait dans notre centre à 95% en ambulatoire depuis de nombreuses années, les hospitalisations d’une nuit n’étant utiles qu’aux patients vivant seuls ou long de nos centres.

L’anesthésie

L’ablation à l’ICPS est toujours proposée avec une anesthésie générale qui nous semble apporter un réel confort physique et psychologique à nos patients. Elle est incontournable, de l’avis de tous les spécialistes, chez l’enfant et le jeune adolescent mais reste sous utilisée chez l’adulte avec l’impression qu’il est plus difficile de déclencher des crises de TJ sous anesthésie générale, ce qui n’a jamais été démontré scientifique. En revanche, même si l’ablation en elle-même n’est pas physiquement douloureuse, le déclenchement des crises de TJ provoque une stress mental significatif souvent inconfortable sous anesthésie locale pure.

Quelle zone est traitée et par quel accès au cœur ?

A l’ICPS, toutes les ablations de TJ sont réalisées en cartographie 3D, sans surcout pour le patient, Massy ayant été longtemps le centre de référence pour les ablations pédiatriques de TJ, nécessitant un haut niveau de précision. Sans cartographie 3D, l’alternative qui est la technique de repérage historique se base sur des rayons X, comme pour une radiographie des poumons, avec une vision 2D. A l’heure actuelle, il n’y a pas de preuve que l’utilisation de la cartographie 3D apporte un meilleur niveau de sécurité ou d’efficacité, la différence essentielle étant la réduction très importante, voir la suppression totale de toute irradiation par les raoyns X pour le patient et l’équipe soignante. C’est pour cette raison que les recommandations internationales conseillent depuis quelques années d’utiliser la cartographie 3D chez les enfants et les adolescents, la précision et le confort de travail nous semblant être deux arguments majeurs pour l’utiliser chez tous nos patients depuis 2015.

TJ par réentrée intra-nodale

Pour cette tachycardie, l’ablation est réalisée dans l’oreillette droite, à proximité du nœud atrio-ventriculaire. Une petite zone de quelques millimètres qui correspond aux fibres de la voie lente est visée sous ce nœud. L’ablation se fait soit par radiofréquence soit par cryothérapie, la première technique donnant la meilleure efficacité (95% de guérison), la seconde réduisant le risque d’abimer le noeud atrioventriculaire et de devoir implanter un stimulateur cardiaque (qui reste inférieur à 0.5% en radiofréquence) au prix d’un taux de récidive 2 à 3 fois plus important. Actuellement, la radiofréquence reste l’énergie la plus utilisée et de loin, sans recommandations professionnelles clarifiant ce choix, qui doit être abordé en consultation pré opératoire, quitte à être reconsidéré en fonction des particularités anatomiques constatées pendant l’intervention.

TJ sur voie accessoire (ou faisceau de Kent)

Le siège précis de la voie accessoire est localisé de proche en proche à l’aide des cathéters et d’une étude minutieuse de l’activation électrique des différentes parties de la jonction, c’est-à-dire des anneaux des deux valves entre oreillettes et ventricules. En l’absence de voie accessoire, ces anneaux sont effectivement non conducteurs électriquement.

L’abord vasculaire peut varier en fonction de la localisation droite ou gauche de ce faisceau de Kent. La cible peut être atteinte en passant par la veine fémorale si elle se situe à droite, par l’artère fémorale ou par une ponction transseptale si elle est constatée à gauche. Il peut également être nécessaire d’utiliser un abord par une veine du haut du corps, au cou (jugulaire) quand le faisceau de Kent est présent en haut de l’oreillette droite.

Le taux de succès global est supérieur à 95% quand les complications graves restent inférieures à 1%. Mais tout dépend de la position de la voie accessoire par rapport à la voie de conduction électrique normale qui peut se situer à quelques centimètres comme à 1 ou 2 mm à peine, rendant l’ablation très délicate, voire impossible sans risquer abimer la conduction normale.

L’ablation d’une voie accessoire peut se compliquer d’un hématome au point de ponction fémorale en cas de passage artériel notamment. Des complications cardiaques exceptionnelles peuvent survenir en fonction de la localisation de la voie à détruire et des structures cardiaques à proximité, les épanchements péricardiques et les AVC étant exceptionnellement rapportés.

Durée de l’intervention

Variable entre les patients en fonction des particularités anatomiques, de la facilité ou de la difficulté à déclencher une crise de TJ pour bien l’analyser… l’intervention peut durer 45 minutes comme 2 heures, la moyenne étant de 60 minutes à l’ICPS.

Après l’ablation

Surveillance

Le lever et la marche sont autorisés 3 à 4h après la fin de l’ablation, simplement avec un petit pansement à la cuisse. Un traitement antidouleur est systématiquement prescrit à la sortie mais il est exceptionnel que le patient y ait recours. En revanche, la reprise des activités physiques intenses doit se faire prudemment après une période sans sport d’une semaine destinée à éviter l’apparition ou la majoration d’une ecchymose au pli de la cuisse. Un bref arrêt de travail pourra être remis, notamment en cas de travail physique ou de déplacements quotidiens fatiguants, Aucun examen médical n’est systématique après l’ablation (ECG, Holter) sauf présence initiale d’une anomalie à risque telle qu’un syndrome de Wolff Parkinson White, le patient confirmant sa guérison à son médecin référent ou à son cardiologue, quelques mois après l’intervention.

Médicaments

Ils ne sont nécessaires ni avant ni après l’intervention.